samedi 17 décembre 2011

Liban, Beyrouth, le dimanche 20 novembre 2011


Le soleil a réchauffé bien vite l’atmosphère. S’il fait plutôt frais et humide dans les maisons, la température de 20° est bien agréable dehors.

Hier j’ai fait du babysitting avec ma petite Laurine et tout s’est très bien passé : j’ai passé la plupart du temps assis par terre avec cette petite puce qui bouge sans cesse.
Elle est extrêmement curieuse, tout l’intéresse et elle circule à quatre pattes à toute vitesse dans toute la maison. Elle n’a peur de rien et aime partir à l’exploration. Je passe des moments précieux avec elle et je me souviens du temps passé avec mes enfants à cet âge.

Ce matin, nous sommes partis, Wissam et moi, « à l’aventure ». On ne s’est pas lavé, ni rasé pour passer inaperçu dans le quartier que nous allions explorer. On s’est habillé de manière très « pauvre ». Wissam m’a affublé d’un bonnet de laine rouge et noir, style travailleur syrien, et nous voilà parti au marché des pauvres. Celui que Wissam appelle « Bizarre Bazar ». C’est le fait le « marché du dimanche » où vend du tout à des prix imbattables. Je crois que tout ce qu’on peut trouver comme contrefaçon en bijoux, montres, parfums et habits se trouvent sur les étales. La clientèle est pauvre mais personne ne pouvait nous prendre pour des touristes au milieu de celle foule bigarrée. Les odeurs de crasse, de transpiration, de café turc, de parfums bon marché, de nourritures cuites dans une huile noire, tout nous donnait envie d’abréger notre visite. Suite aux pluies torrentielles, le sol était boueux, mais l’expérience en valait la peine.

Nous avons retrouvé David, un vieux bouquiniste Arménien. Quel plaisir de converser avec cet homme, clochard de son état mais un véritable puits de science, une source intarissable d’informations sur l’histoire de la communauté arménienne. De plus c’est un homme qui aime et connaît son Sauveur, Jésus !

En sortant de là, nous nous sommes dirigés vers le camp palestinien de Sabra et Chatila au sud de Beyrouth. L’entrée du camp se situe très près du centre de Tahaddi géré par Catherine Mourtada et son équipe. Wissam me dit alors « dès ce portique, nous ne sommes plus au Liban, mais en Palestine ». Les rues étroites d’un mètre cinquante de largeur se succèdent dans un entremêlement de fils d’électricité et de téléphone. Des tas d’ordures un peu partout autour desquels jouent des petits enfants sales et mal habillés. Je suis dans le camp de réfugiés palestiniens. Beaucoup de familles palestiniennes s’y sont réfugiés après la création de l'état d'Israël de 1948. Ils attendent toujours de pouvoir retourner sur leurs terres dans leurs maisons depuis plus de 60 ans ! C’est avec une certaine appréhension que je traverse ces ruelles. En 1982, le camp, encerclé par l’armée israélienne, a subi un massacre par les milices chrétiennes avec la bénédiction d’Ariel Sharon. Entre 1000 et 3000 femmes, enfants et vieillards ont été massacrés ! Je suis chrétien, je porte une certaine responsabilité même si ces « chrétiens » ne l’étaient que de nom.

Wissam retrouve un vieux palestinien de 86 ans qui nous accueil dans sa maison. Il lui demande pardon pour ce que les chrétiens ont fait dans ce camp… Le contact est difficile, il a peur de moi, il pense que je suis un espion juif du Mossad. Je lui montre mon passeport suisse, la photo de clown, mais il reste suspicieux. Il me fixe alors dans les yeux et me dit : « Même si tu es un juif, tu es le bienvenu dans ma maison et je veux bien t’accueillir ! » la conversation se poursuit avec beaucoup d’hésitation de sa part. Il me dit que des espions du Mossad sont déjà venus dans son quartier et qu’ils ont assassiné des responsables palestiniens du camp. Je dois avouer que j’éprouve un grand malaise. Comment le convaincre de ma bonne foi ? Je me sens rejeté alors que je n’ai rien fait de mal. Mais n’est-ce pas le sentiment qu’il a depuis 60 ans ! Il n’a rien fait pour mériter d’être chassé de chez lui et ne peut rien faire pour faire valoir ses droits !...

Il se lève et nous prépare le thé à la manière orientale. Il verse le sucre, puis le thé bouillant d’une vieille bouilloire. C’est le rituel du thé. Il était dans l’armée anglaise comme policier avant la création de l'état d'Israël. Il nous raconte combien la vie était agréable alors et que Juifs, chrétiens et musulmans s’entendaient bien. Il avait des amis autant juifs que chrétiens…
Après un moment nous lui disons au-revoir et Wissam propose que nous prions pour lui. Je prie en français, Wissam traduit en arabe : « Seigneur merci pour l’accueil de notre nouvel ami, béni-le ainsi que ses enfants, ses petits enfants et ses arrières petits enfants. Je prie qu’il découvre ta grâce et que tu permettes qu’un jour Juifs, musulmans et chrétiens vivent en pays sur la terre de Palestine … » Dès ce moment son regard s’adoucit, nous voulons partir, mais il nous retient et nous dit qu’il n’a pas encore fini de vous honorer. Il revient de sa cuisine avec des belles mandarines et nous mangeons ensemble, on parle de nos familles, de nos enfants, de nos petits enfants. Après un long moment, nous lui disons enfin au-revoir. Wissam le prend dans les bras et l’embrasse, je fais de même. Nous avons un nouvel ami. « Revenez quand vous voulez, vous serez toujours les bienvenus ! »

Je sors de sa maison avec à la fois une profonde joie et une grande tristesse. Joie d’avoir rencontré cet homme, tristesse de constater la méchanceté des hommes. Comment permettre à des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants de vivre dans des camps de misère dans la boue et la crasse sans aucun droit depuis plus de 60 ans ? Et tout ceci  avec la bénédiction du monde occidental ! Je reste perplexe et je dis à mon Seigneur : « Jusqu’à quand ? ».

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